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Le combat pour la justice sociale au Tchad

Afrique du Sud 1948-1994, Soudan du Sud 2005-2011, Tunisie 2010-2011, Burkina Faso 2014, Algérie 1954-1962, Égypte 2011, Namibie 1966-1990… Savez-vous ce que ces pays et ces dates ont en commun ? LA REVOLUTION ! La lutte contre les inégalités sociales et économiques, la lutte contre les inégalités raciales systémiques, la lutte pour les libertés politiques, la lutte contre la corruption, la lutte contre la domination des gouvernements, la lutte contre la domination des groupes armés, la lutte pour les droits civiques… Ces exemples sont à l’origine des questions autour de la justice sociale.

Les mouvements civiques émergent dans différents contextes historiques et culturels, mais sont souvent motivés par des inégalités sociales et des injustices. Des figures emblématiques ont marqué les mouvements des droits civiques en Afrique à l’instar de Nelson Mandela, Patrice Lumumba, Ellen Johnson Sirleaf, Thomas Sankara, Kofi Annan, Wangari Maathai, Desmond Tutu… qui continuent d’inspirer et d’éveiller l’esprit de nombreux jeunes africains à l’importance du patriotisme, de la justice et de l’égalité entre humains.

La justice sociale est un concept fondamental qui vise à garantir l’égalité des chances, l’équité et la protection des droits fondamentaux pour tous les individus au sein d’une société. Au Tchad, la question de la justice sociale revêt une importance particulière en raison des défis socio-économiques et politiques auxquels le pays est confronté.

Crédit Photo : AMISOM/Iwaria

La pauvreté et les inégalités de revenus

La pauvreté est un problème majeur qui affecte une grande partie de la population tchadienne. Selon les données de la Banque mondiale, en 2018, près de 42% de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté national. Les inégalités de revenus sont également très prononcées, avec une petite élite qui concentre une grande partie de la richesse du pays. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) de 2020, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, était de 0,43 au Tchad, indiquant une forte disparité économique.

Les ressources naturelles du pays sont souvent exploitées par des multinationales ou des particuliers qui mènent une vie de luxe, tandis que le Tchadien lambda peine à inscrire ses enfants à l’école, à se soigner et à manger à sa faim. La crise de la COVID-19 a aggravé la pauvreté et les inégalités au Tchad, entraînant une récession et faisant passer des centaines de milliers de Tchadiens dans l’extrême pauvreté. Des réformes ambitieuses sont nécessaires pour une relance inclusive et durable. Les défis socio-économiques et politiques auxquels le pays est confronté rendent la question de la justice sociale particulièrement importante.

Crédit Photo : Iamdavidrotimi/Iwaria

Les difficultés d’accès aux services de base

Au Tchad, l’accès aux services de base tels que l’eau potable, les installations sanitaires et d’hygiène de base, les soins de santé essentiels, l’éducation, la justice, l’identification civile, la formation et l’emploi est très inégalitaire et loin d’être suffisant. Les populations en situation de crise sont particulièrement vulnérables et ont un accès limité aux services de base. Les femmes et les adolescentes sont également confrontées à des difficultés pour accéder aux soins de santé reproductive. Selon l’UNICEF, le manque d’accès aux services d’eau et d’assainissement, couplé avec de mauvaises pratiques d’hygiène, tue les enfants ou les rend malades chaque jour au Tchad très peu de personnes ont accès à des installations d’assainissement de base et à une source d’eau potable améliorée. De plus, le taux d’alphabétisation au Tchad est l’un des plus bas au monde, avec seulement 22% des adultes sachant lire et écrire selon le ministère de l’éducation en 2020. Ces disparités d’accès aux services de base contribuent à perpétuer les inégalités socio-économiques et à limiter les opportunités pour les populations les plus vulnérables.

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Crédit Photo : Iwaria

Un système judiciaire inopérant

Le Tchad fait face à des défis importants en matière d’accès à la justice. Le système judiciaire du pays est souvent critiqué pour son inefficacité, sa corruption et son manque de ressources. A bien des égards, le pouvoir judiciaire est confisqué par l’exécutif prenant des décisions arbitraires contre la population. A l’heure où j’écris ce billet, les magistrats tchadiens sont en grèves depuis plusieurs semaines pour réclamer des meilleures conditions de travail mettant aux arrêts tout le système judiciaire et les greffiers menacent à leur tour d’entrer en grèves dès la semaine prochaine pour les mêmes raisons. De même, des images en date du 23 mars montraient le palais de justice de N’Djaména dans un état inconcevable. Des dossiers sont disposés à même le sol et d’autres dans des toilettes abandonnées.

Selon le rapport de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de 2020, le manque de personnel qualifié, d’infrastructures adéquates et de moyens financiers limite l’accès à une justice équitable. De plus, la corruption au sein du système judiciaire est un problème récurrent, ce qui compromet la confiance des citoyens dans le système judiciaire.

A lire : Pour ce Tchad mis à feu et à sang : rêve-t-on justice ou chimère ?

Les récurrentes violations des droits de l’homme

Le respect des droits de l’homme est une composante essentielle de la justice sociale. Malheureusement, au Tchad, des violations des droits de l’homme sont régulièrement signalées. Les forces de sécurité sont souvent accusées d’abus, notamment de torture, de détentions arbitraires et de mauvais traitements envers les détenus. De plus, la liberté d’expression et d’association est souvent restreinte, avec des cas de harcèlement et d’intimidation envers les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes. Ces violations des droits de l’homme sapent la confiance des citoyens dans les institutions et entravent l’accès à une justice équitable.

A lire : Le viol des enfants au Tchad : entre omerta et indignation.

Ici, nos mémoires sont encore fraiches de souvenirs car on se souvient de Richard Mbaiguedem mort des suites de torture, Rozi Barkai, Mahamat Abakar, Khalil Mahamat tué par les gendarmes, Mateyan Manayal Bonheur assassiné par le cortège du président de l’Assemblée Nationale et toutes les victimes de la manifestation du 20 octobre 2022

Les mêmes personnes commettent des bavures impunément, les enfants de riches humilient et violent des femmes sans crainte, ils torturent et tuent des gens car la justice ne s’applique pas à eux.

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Crédit Photo : Femovier/Iwaria

Le soulèvement populaire l’emporte souvent sur les pires dictatures…

Le président Blaise Compaoré a été renversé après 27 ans de pouvoir à la suite d’un soulèvement populaire. Les manifestations ont été déclenchées par la tentative de Compaoré de modifier la Constitution pour prolonger son mandat présidentiel.

Le président Zine El Abidine Ben Ali a été renversé après 23 ans de pouvoir à la suite d’un soulèvement populaire. Les manifestations ont été déclenchées par la hausse des prix des denrées alimentaires et le chômage élevé.

Le président Hosni Moubarak a été renversé après 30 ans de pouvoir à la suite d’un soulèvement populaire. Les manifestations ont été déclenchées par la corruption, les inégalités socio-économiques et le manque de libertés politiques.

Le président Omar El-Béchir a été renversé après 30 ans de pouvoir à la suite d’un soulèvement populaire. Les manifestations ont été déclenchées par la hausse des prix des denrées alimentaires et le chômage élevé.

Le président Robert Mugabe a été contraint de démissionner après 37 ans de pouvoir à la suite d’un soulèvement populaire. Les manifestations ont été déclenchées par la crise économique et la corruption…

            A qui le tour demain ? Au fond, tout n’est qu’une question de temps…

L’importance d’un renforcement des institutions et de l’état de droit

Je ne suis pas un fataliste et j’estime que chaque problème peut avoir une solution et pour le cas du Tchad, il est important de promouvoir la justice sociale, de renforcer les institutions et de promouvoir l’état de droit. Cela implique de lutter contre la corruption, d’améliorer l’efficacité du système judiciaire et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Des réformes sont nécessaires pour renforcer la capacité des tribunaux à traiter les affaires de manière équitable et transparente.

La réduction des inégalités socio-économiques est un élément clé de la justice sociale. Des politiques publiques visant à promouvoir l’accès à l’éducation, à la santé, à l’eau potable et à l’emploi pour tous sont nécessaires. Il est également important de promouvoir des politiques de protection sociale pour soutenir les populations les plus vulnérables.

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lafenetreetoilee

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