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Tchad : tu sais parler ? Alors ferme-la !

Au Tchad, les médias évitent souvent les sujets gênants sur le gouvernement, suivant des lignes éditoriales strictes. Les violations des droits humains restent ignorées par les autorités. Les journalistes ne peuvent pas enquêter librement. Pourquoi ? Contrôle. Le pouvoir cache ses secrets derrière cette manipulation médiatique, même à l’ère d’Internet. Les censures passées et récentes révèlent une main invisible façonnant l’information au Tchad.

Avez-vous remarqué que les grands médias tchadiens ne traitent pas toujours des sujets qu’ils veulent (ou alors ils vous servent une version édulcorée de la vraie histoire) ? Surtout ceux qui touchent de près les dérives (faux et usage de faux, ingérences, mauvaise gouvernance, non-respect des textes de lois et des droits humains, assassinats…) du gouvernement ? Que leurs lignes éditoriales sont hautement contrôlées même pour les médias privés ? Avez-vous remarqué ces silences assourdissants des autorités du ministère de la justice et de celui en charge du genre à chaque fois qu’il y a eu des violations des droits humains ? Que les journalistes sont incapables (interdits) d’écrire librement des articles d’investigation ?

Par contre lorsque le tapage médiatique est commandé par l’État, tous les médias se mettent au pas et parlent par exemple d’un président de la République compatissant qui se rend au chevet d’une victime de violences conjugales dans une tentative de (re)construction d’une image politique déjà mal aimée. Comme moi, je suis sûr que vous-vous êtes déjà demandé : pourquoi ? Ce « pourquoi » se résume en un mot : CONTROLE ! Le contrôle de ce qui se dit quand on a des choses à se reprocher, des cadavres qui attendent d’être découverts à peine dissimulés dans les placards. Ce n’est clairement pas un territoire sur lequel on aimerait vous y voir jouer les fouines. Le contrôle car les hautes autorités ont pris conscience depuis des années que les médias constituent un pouvoir à part, capables de faire et de défaire un gouvernement. Alors quand on est un dictateur qui contrôle déjà le législatif, le judiciaire en plus de l’exécutif, impossible de laisser passer le médiatique ! Même si la diffusion d’informations a été largement démocratisée avec l’arrivée d’internet, il ne reste pas moins que les opérateurs de téléphonie agissent au bon vouloir du gouvernement. On se souvient de la censure d’internet en 2018 et aussi en 2020 et plus récemment les censures ciblées dans les arrondissements les plus sensibles de N’Djaména.

Crédit photo : AMISOM/Iwaria

La liberté d’expression et d’opinion, un droit de façade au Tchad ?

La liberté d’expression et d’opinion est un droit fondamental reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Cependant, au Tchad, ce droit est souvent bafoué, d’abord pour les journalistes, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques. Mais aussi de façon totalement arbitraire pour des manifestants, des artistes, des blogueurs…

La liberté d’expression est un principe constitutionnel, mais son exercice est garanti aux citoyens dans les limites fixées par les lois. Même si le Tchad se targue d’être un État de droit, les faits restent contre lui à bien des égards. En 2017, un rapport d’Amnesty International dénonçait l’intensification de la répression des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association faite par les autorités du Tchad. Déjà à cette époque, le rapport pointait du doigt les censures systématiques d’internet comme le dira Abdoulaye Diarra, chercheur sur l’Afrique centrale à Amnesty International : « Au cours des cinq dernières années, on a pu constater une concomitance entre les ruptures d’accès à Internet et les moments de contestation politique au Tchad. Ces perturbations qui touchent l’ensemble des usagers portent atteinte à la liberté d’expression. »

L’Ordonnance n°025/PR/2018 du 29 juin 2018 portant Régime de la Presse écrite et Média électronique au Tchad, en son article 2 alinéa 1er, dispose que : « la liberté d’expression et d’opinion et le droit à l’information s’exercent dans le respect des valeurs culturelles nationales, de l’ordre public et de la vie privée des citoyens. » Pour sévir, l’État utilise les dispositions de l’article 93 de la même ordonnance : « La publication, la diffusion par quelque moyen de communication que ce soit, de fausses nouvelles, des pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers lorsque faites de mauvaise foi, elle aura troublé l’ordre public, la sécurité publique, la cohésion nationale et l’intégrité du territoire sera punie conformément aux dispositions du Code pénal. »

Lorsque le faux est commis dans une écriture publique, les peines encourues vont de 15 à 20 ans d’emprisonnement, selon l’article 257 du Code pénal. Cette lourde peine prévue laisse penser que le faux en écriture publique est un crime et non un délit seulement.

Crédit photos : NellyH/Iwaria

Une torture psychologique et physique

Les violations commencent toujours par le harcèlement, l’intimidation, les menaces et les violences physiques lorsque les personnes impliquées couvrent des événements politiques sensibles, au pire des cas, la mort. Les défenseurs des droits humains sont également victimes de harcèlement et de persécution, en particulier lorsqu’ils dénoncent les violations des droits humains commises par les autorités. Les opposants politiques sont souvent arrêtés et détenus arbitrairement, et les manifestations pacifiques sont souvent réprimées dans le sang.

Très souvent, on impute à ces défenseurs de la liberté d’expression et d’opinion plusieurs théories, notamment l’instabilité politique, la corruption, l’impunité et le manque de réglementation et de contrôle des médias. L’instabilité politique et les conflits armés ont des répercussions négatives sur la liberté d’expression et d’opinion, car ils perturbent les infrastructures et les services médiatiques. La corruption et l’impunité sont également des facteurs qui contribuent aux atteintes à la liberté d’expression et d’opinion, car elles affaiblissent les institutions chargées de protéger les droits des journalistes et des défenseurs des droits humains. Le manque de réglementation et de contrôle des médias permet aux autorités de censurer et de contrôler les médias, limitant ainsi la liberté d’expression et d’opinion.

Un journaliste mis aux arrêts pendant les manifestations du 20 octobre 2022 témoigne au micro de RFI les atrocités subies :

« Dans la nuit du 20 octobre, des militaires bien armés et la GNNT, je précise, a fait sa perquisition dans notre domicile. Je me suis réveillé directement. J’ai pris des gifles, on nous a amenés à bord. Le samedi, très tôt le matin, on nous a amenés devant un fleuve pour nous exécuter, on nous a déposés tout mourants, et effectivement, beaucoup parmi nous ont péri dans le désert. »

Pour dissuader les gens de manifester, ils sont torturés, humiliés et tués. C’est le cas :

Le 27 avril 2021, où une manifestation a été violemment réprimée par les forces de sécurité tchadiennes qui ont fait feu sur la foule. Bilan : au moins neuf morts et une vingtaine de blessés, dont trois gravement. Les manifestants se réunissaient pour dénoncer le coup d’État militaire au Tchad après le décès brusque du Président Idriss Deby Itno.

Lors de la manifestation du 20 octobre 2022, plus de 600 jeunes hommes, dont au moins 80 mineurs, avaient été arrêtés. À ce jour, plusieurs d’entre eux sont toujours portés disparus.

Crédit Photo: Irmeyasom/Iwaria

La liberté d’expression et d’opinion : un droit à protéger vaille que vaille

Afin de protéger la liberté d’expression et d’opinion au Tchad, il est important de prendre des mesures à différents niveaux. Tout d’abord, il est essentiel de renforcer la réglementation et le contrôle des médias, en veillant à ce que les lois protégeant la liberté d’expression soient appliquées de manière efficace. Les autorités doivent également s’attaquer à la corruption et à l’impunité, qui affaiblissent les institutions chargées de protéger les droits des journalistes et des défenseurs des droits humains.

De plus, il est crucial de sensibiliser les populations aux droits à la liberté d’expression et d’opinion, en particulier pour les journalistes, les défenseurs des droits humains et les opposants politiques. La société civile peut jouer un rôle important dans la promotion de la liberté d’expression et d’opinion en documentant les cas d’abus, en plaidant en faveur de réformes législatives et en fournissant un soutien aux victimes d’atteintes à la liberté d’expression et d’opinion.

Avec une soif de justice sociale et d’égalité, les attaques contre la liberté d’expression et d’opinion sont monnaie courante aussi bien pour les journalistes, les défenseurs des droits humains que les opposants politiques. Les raisons de ces attaques sont multiples, notamment l’instabilité politique et la corruption, l’impunité, le manque de réglementation et de contrôle des médias pour renforcer la réglementation et le contrôle des médias afin de protéger la liberté d’expression et d’opinion, lutter contre la corruption et l’impunité, et la sensibilisation au droit à la liberté d’expression. Seule une approche globale et coordonnée, essentielle pour générer et renforcer l’efficacité de la société civile, sauvegardera la liberté d’expression et d’opinion au Tchad.

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Auteur·e

lafenetreetoilee

Commentaires

GOLOME ABAITOUIN
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La liberté d'expression n'existe nullement quasiment pas, si elle existe, elle est confisqué détenu entièrement par le régime oppresseur au pouvoir,connu de tout le monde entier.

lafenetreetoilee
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Voilà qui est dit !