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Tchad : L’électricité, l’électricité ! Bon sang !

Voilà deux semaines que la capitale du Tchad, N’Djaména, est plongée dans le noir total. Attention, je ne dis pas qu’avant ces deux semaines, il y avait de l’électricité à profusion. À force de ne pas avoir l’électricité tout le temps, nous avons fini par croire que c’était normal et incroyable d’avoir seulement 4 heures d’électricité par jour, 4 fois par semaine. Un genre de syndrome de Stockholm, quoi. Pour le tchadien, l’électricité est un luxe ! Bref, vous avez compris. Le fait est que la médiocrité de la Société Nationale d’Électricité a atteint des sommets, d’autant plus que le silence du gouvernement face à cette situation est des plus insultants. Voilà qui est dit !

Le Tchad est confronté à une crise énergétique majeure, caractérisée par une pénurie d’électricité qui touche la population dans son ensemble. Il n’existe pas une seule ville au Tchad qui bénéficie d’une couverture électrique de qualité. Et rien ne se profile à l’horizon pour soulager la demande toujours croissante de la population.

Pourtant, l’accès à l’électricité est un enjeu majeur pour le développement économique et social des pays. Selon la Banque Mondiale, un milliard de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à l’électricité et plusieurs centaines de millions d’individus disposent d’une alimentation électrique insuffisante. L’Objectif de développement durable n°7 vise d’ailleurs à garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable, d’ici à 2030. Mais l’on a l’impression que le Tchad s’est autosoustrait de ces prévisions.

La SNE, cette société de malheur a vraiment besoin d’un centre de rééducation pour entreprise en difficultés ou d’une séance de prière de délivrance. De toutes les façons, au point où nous en sommes, tout est à prendre pourvu qu’il y ait de l’électricité !

Crédit Photo : AMISOM/Iwaria

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Les conséquences du manque d’électricité sur l’économie du Tchad, on en parle ?

Les entreprises dont la consommation d’énergie est au cœur de leurs activités survivent difficilement. Il s’agit des boites de communication, de soudure, de menuiserie, les imprimeries, les entreprises de transformation agro-alimentaire, la restauration, les pharmacies…

Il n’y a qu’au Tchad que l’impression en noir et blanc d’une seule page peut vous coûter jusqu’à 500 FCFA. L’entrepreneur est contraint de prendre en compte tous les coûts liés à son activité, notamment l’achat et la maintenance d’un groupe électrogène, le carburant, ainsi que d’autres charges. Et qui doit payer ces frais ? Le client !

Pour couvrir leurs frais, les entreprises de transformation agricole doivent utiliser des méthodes ancestrales souvent limitées en termes de quantité de production. Le séchage au soleil, l’utilisation du charbon de bois, le bois de chauffage… On peut citer plusieurs activités dont la productivité pourrait atteindre des sommets avec l’électricité. Par exemple, dans le secteur de l’élevage, avec 121 068 431 têtes de bétail en 2021 selon la Banque Africaine de Développement, nous sommes incapables de traiter les produits dérivés de ce secteur. La viande ne se conserve pas, la tannerie ne s’industrialise pas, la transformation et la conservation du lait nous échappent encore… Nous consommons du riz en provenance des pays d’Asie alors que nous avons ce qu’il faut ici pour pallier les problèmes alimentaires. Cela fait de nous des consommateurs estampillés « pauvres » sans perspectives, pourtant assis sur une mine d’or.

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Crédit Photo : TAMBA/Iwaria

Face à cette situation, les entreprises sont souvent contraintes de fermer ou de réduire leur production en raison de l’absence d’électricité, ce qui entraîne une baisse de la productivité et de la compétitivité. A ce qu’il parait, l’urgence est ailleurs même si des gens meurent par centaine tous les jours dans les hôpitaux…

Les conséquences du manque d’électricité sur la santé des tchadiens

Le manque d’électricité n’épargne pas la santé des populations au Tchad. Les hôpitaux et les centres de santé sont souvent confrontés à des coupures d’électricité, et plusieurs autres établissements ne bénéficient d’aucune alimentation électrique, ce qui limite leur capacité à fournir des soins de santé de qualité. Les médicaments qui nécessitent une réfrigération, tels que les vaccins et les insulines, sont également affectés par le manque d’électricité, compromettant ainsi grandement leur efficacité. De plus, le manque d’électricité limite l’accès à l’eau potable, ce qui a des répercussions négatives sur la santé des populations, en particulier des enfants, qui sont plus vulnérables aux maladies d’origine hydrique.

Nous sommes confrontés à une situation où les cliniques privées, qui utilisent souvent de grands groupes électrogènes, proposent des services à des tarifs bien au-delà du pouvoir d’achat du Tchadien moyen

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Les jeunes jouent à cache-cache avec le soleil

Le manque d’électricité a des répercussions négatives sur les jeunes au Tchad. Les rares bonnes écoles sont souvent confrontées à des coupures d’électricité, ce qui limite leur capacité à fournir une éducation de qualité. Les élèves et les étudiants dans les filières scientifiques ne peuvent pas mener des expériences en laboratoires.

Quand l’impitoyable soleil de N’Djaména chauffe le mercure à plus de 40 degrés Celsius, les jeunes se retrouvent un peu perdus sous les rares arbres à neem devant les portails. Chacun avec ses raisons et son bagage éducatif en poche. Certains ont tout (ou presque) tenté, tandis que d’autres s’en fichent un peu. Parmi eux, il y a ceux qui ne baissent pas les bras et qui recherchent les opportunités offertes par ce monde numérique, malgré les difficultés d’accès à l’information et à la technologie, car l’électricité est nécessaire pour alimenter les ordinateurs et autres appareils électroniques. Cela limite leur capacité à se connecter avec le monde extérieur et à accéder à des opportunités d’apprentissage et de développement.

Crédit Photo : AWISOM/Iwaria

L’électricité, une histoire de droit de l’Homme et de dignité humaine

Lorsque les accès à une bonne éducation, aux soins de qualité, à une chance de réussir… sont compromis, dites-vous que votre droit est bien lésé. Car il n’y a pas de fierté à avoir pendant que des gens meurent par manque d’électricité. On ne les compte pas les cadres, tellement ils sont nombreux dans les hôpitaux non homologués un peu partout dans le pays.

Le droit à l’électricité est un droit de l’homme reconnu par plusieurs organisations internationales. En effet, le droit à l’accès à l’eau potable et à l’assainissement a été aussi reconnu comme un « droit de l’homme » sur le plan international. L’ONG Droit à l’énergie SOS FUTUR a également proposé d’inscrire dans l’Union européenne le droit à l’accès à l’énergie comme un droit fondamental de l’homme.

Sous d’autres cieux, lorsque l’électricité est coupée pour des raisons d’incompétence, on calcule les pertes pour l’économie nationale et on s’engage à résoudre le problème en prenant des mesures fermes. Ici, des gens qui ne savent même pas ce qu’est un fusible se proclament ou sont propulsés électriciens, et on s’étonne des pétages de plomb. La dernière bourde en date est cette nomination de militaires pour diriger la Société Nationale d’Électricité. Depuis, les lignes électriques sont toutes indisciplinées, et au-dessus d’elles se trouvent les plus hautes autorités !

Je ne suis pas le seul à penser que des mesures doivent être prises à différents niveaux pour remédier à ce problème. Tout d’abord, il est essentiel d’augmenter les investissements dans les infrastructures énergétiques, en veillant à ce que les ressources soient allouées de manière équitable et efficace. Il est également crucial de sensibiliser les populations aux avantages de l’énergie propre et renouvelable, tels que l’énergie solaire et éolienne. En outre, il est important de renforcer la capacité des institutions chargées de fournir de l’électricité, en veillant à ce qu’elles soient bien équipées et bien formées. La société civile peut jouer un rôle important dans la promotion de l’accès à l’électricité, en plaidant en faveur de réformes législatives et en fournissant un soutien aux populations les plus vulnérables. Seule une approche globale et coordonnée permettra de remédier au manque d’électricité au Tchad.

Il faut le dire, l’État tchadien a eu 63 ans depuis l’indépendance pour faire son boulot, qu’il ne demande surtout pas à la population de patienter encore plus. De toutes les façon, l’électricité n’a jamais été une question de sadakha par ici mais de cash, un service qui a toujours été facturé et payé par la population.

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lafenetreetoilee

Commentaires

Bara Kailena Yingra
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Le plaisir de vous lire

lafenetreetoilee
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Merci beaucoup !

Rolande P.
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Waouh chapeau pour cet article qui decrit avec exactitude la galere des citadins tchadien vivant dans la capitale. Le reste n'y pensons meme pas. Il touche tous les aspects de la vie d'un etre humain et l'on comprend combien l'electricité à l'heure actuelle est indispensable pour le developpement humain. J'ai pris du plaisir à le lire. Si nos dirigeant savaient lire ou aimaient lire l'on pourrait espérer un reveil de conscience. Felicitation!

lafenetreetoilee
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Merci pour ce retour ! La question de l'électricité est urgente et nous concerne tous ! Il faut y remédier !