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Santé : mieux vaut mourir chez soi qu’à la clinique du spécialiste

Il n’y a pas de meilleure phrase d’accroche pour commencer ce billet. Alors je me lance avec l’incompréhension qui m’anime, la volonté qui est mienne de comprendre les choses, ou du moins essayer, et bien évidemment ma rage, celle d’un patient qui jusqu’ici se voulait positif malgré les réalités d’un système de santé déjà asphyxié et sous protocole de transfusion massive car ‘’un peu’’ optimiste dans l’âme ! Énième désenchantement ! Malgré moi.

Face au capitalisme dans le monde de la santé, aucune morale médicale n’existe et le code de la déontologie est aux oubliettes. Il y a de l’argent en jeu, beaucoup d’argent, tant au niveau de la production que de la consommation et cela définit largement le pilier du système capitaliste dans l’univers de la santé. Peu importe le niveau de développement du pays.

Crédit Photo : Medsile/Iwaria

Tout commence ce jour-là…

Il y a quelques mois, suite à des problèmes de santé dont je vais vous épargner les détails, mon médecin traitant me dit d’aller consulter un cardiologue afin de trouver d’éventuelles réponses pour une histoire de douleur thoracique dont j’ai été victime la nuit précédente. Il faut se dire que cette consultation n’est pas le fruit du hasard car des mois avant, j’avais eu des problèmes de tachycardie sinusale. Mais revenons à nos moutons ! Mes fortes douleurs au thorax ont commencé la nuit, un vendredi et le samedi matin, mon médecin me dit d’aller sans trainer dans cette clinique de cardiologie. J’y suis allé dans l’heure même, convaincu de me retrouver entre de bonnes mains car, ce cardiologue était une référence selon mon médecin.

A l’accueil, une dame un peu froide me reçoit. Je lui dis que j’étais là pour voir un médecin. Ce à quoi elle a rétorqué : ‘’consultation 10.000 Frs, électrocardiogramme 10.000 Frs et un carnet à 1.000 Frs’’. Au moment de régler ma note, dans ma tête, je me posais des questions : et est-ce le médecin ? Il était peu probable pourtant. Pourquoi me demande-t-elle de passer un examen avant même que je ne sois consulté ? Pour anticiper les choses ? C’est comme cela que fonctionne la clinique ? J’étais occupé à mes questionnements, quand elle me dit après avoir pris de mes mains l’argent, qu’elle n’avait pas de petites coupures. Au même moment, entrait un monsieur avec une femme âgée en souffrance, visiblement sa mère. Je cédais aussitôt ma place et dis à la dame de l’accueil qu’elle me remettra ma monnaie quand elle aura trouvé puisque j’allais être dans la clinique pendant encore un moment. Je m’assieds sur une chaise dans cette pièce même, attendant que l’on m’appelle pour mon examen. Ce fut mon tour au bout d’une heure environ. 

Une jeune femme m’invita dans une pièce exiguë attenante à la salle de réception, il y avait des machines que je n’avais encore jamais vu avant et elle me somma de me déshabiller (sans même une invitation à dîner avant cela dit lol). J’étais dans la salle où l’on pratique l’électrocardiogramme. L’examen aura duré moins de 10 minutes, je suis invité à me retirer et d’attendre le résultat qui sera interprété par le cardiologue. Deux heures plus tard, ce fut enfin mon tour pour la consultation. Un jeune homme d’à peine la trentaine me reçoit. Il n’était pas très bavard, me pose quelques questions et me fait une palpation de l’abdomen sur une table de consultation dans le bureau même. Entre alors, un monsieur, la cinquantaine, peut-être même la soixantaine bien tassée. J’ai alors compris que c’était le cardiologue et le jeune son assistant, sûrement un interne en médecine ou un jeune médecin. 

Crédit Photo : AMISOM/Iwaria

C’est à ce moment-là que l’élément déclencheur de ce billet va surgir !

C’est à peine si le médecin m’a adressé la parole. Ensuite, il s’est retourné vers son assistant pour lui demander de lui dire ce que j’avais, le tout pendant que j’étais là, assis, en face de lui !!! Pourquoi ? Est-ce une pratique courante chez les médecins ? Est-ce par respect au jeune-homme ? Est-ce normal ? Je n’en revenais pas. Pourquoi ne me pose-t-il pas des questions directement alors qu’il n’y avait même pas une barrière de langue ? J’observais la scène médusé pendant qu’il remplissait mon carnet de santé de ce que lui racontait son assistant. Il s’est enfin retourné vers moi, le regard à peine intéressé, le nez dans le carnet et m’a posé deux questions. Je débordais d’incompréhension et en même temps, pour me calmer, je pensais à mon pauvre cœur…

Il a vérifié le résultat de l’électrocardiogramme et m’a dit que tout était normal mais que par rapport à mes antécédents de santé, il fallait faire d’autres examens pour se rassurer de ne pas passer à côté de quelque chose. Je n’avais plus envie de continuer la consultation mais il me fallait des réponses, je me suis alors retrouvé là, impuissant, suspendu à ses lèvres et à son stylo alignant sur une fiche des examens par dizaine et sur une autre une échographie du cœur ! Mon niveau d’angoisse a augmenté drastiquement ! Une échographie du cœur demandais-je ? Oui, une échographie du cœur mais pour le faire, vous devez revenir le mardi dans l’après-midi ! C’étaient les derniers mots du cardiologue qui appuya sur une sonnette pour faire entrer le patient suivant.

Je ne vous cache rien. A ce moment-là montait en moi une colère noire ! On était samedi, il fallait que je rentre pour revenir le mardi dans l’après-midi afin de faire cette fameuse échographie du cœur mais entre-temps, qu’est-ce que je fais de mes douleurs thoraciques ? Ces douleurs même qui ont conduit mes pas dans cette clinique… Ma consultation aura duré moins de 10 minutes, je n’ai eu le temps de poser aucune question : le patient suivant attendait que je lui libère le siège pour s’asseoir. A peine sortie de là, j’appelle mon médecin au téléphone et lui explique ma mésaventure. Oui, pour moi, ça en était une ! On se rencontre, il me consulte et me dit la conduite à tenir en m’encourageant à repartir faire l’échographie du cœur chez le cardiologue. « Il faut qu’on sache avec exactitude ce dont tu souffres », me dit-il

Crédit Photo : AMISOM/Iwaria

Deuxième rendez-vous à la clinique 

Je repars le mardi à 16 heures comme convenu. J’attends environ une heure à la salle d’attente puis l’assistant du médecin m’invite dans la salle d’échographie. Je m’allonge sur le lit, le cardiologue entre, ne me salut pas et me somme de me retourner sur le côté gauche. Il commence ensuite l’échographie. Il dictait des paramètres a son assistant assis devant un ordinateur à noter tout ce qu’il lui disait. Après quelques minutes, il me tend un papier toilette pour me nettoyer le torse et sort précipitamment de la salle. Son assistant m’imprime les résultats de l’échographie et me dit : « Vous n’avez rien mais vous devez revenir demain à 16 heures pour voir le médecin. Pourquoi est-ce que je ne peux pas le voir maintenant ? Il est occupé, il y a beaucoup de patients programmés pour l’échographie et il est le seul à pouvoir le faire. Puisque vous dites que je n’ai rien, pourquoi devrais-je revenir ? Pour interpréter les résultats de vos examens sanguins. Ah oui, ces examens ! »

Troisième rendez-vous à la clinique

Cette fois-là quand je repars à la clinique, l’assistant n’est pas là. Le médecin est venu avec un retard et a commencé à recevoir les patients par ordre d’arrivée. Quand ce fut mon tour, je suis entré dans la salle de consultation avec une humeur massacrante, je ne voulais pas parler. Alors je me suis tu ! Il a interprété les résultats, découvert quelques petits problèmes, m’a fait une ordonnance et m’a demandé de revenir après le traitement pour d’autres examens. Jamais avant je n’avais rencontré un médecin aussi froid. Je suis sorti de cette salle en me promettant de ne plus repartir dans cette clinique ! 

Sur l’ordonnance, il y avait un antibiotique que je prenais déjà parce que prescrit par mon médecin traitant qui m’alerta et me défendit de le prendre au risque de faire un surdosage. Pourquoi le cardiologue n’a-t-il pas pris le temps pendant les consultations de me poser des questions à ce sujet, de comprendre mes antécédents de santé qui auraient pu conduire à tout cela ? Une chose est sûre, pour l’argent, il était bien plus cohérent mais pour quels services finalement ? 

Crédit Photo : AMISOM/Iwaria

Quand il y en a plus, il y en a encore !

Mon périple me conduit deux jours plus tard dans une clinique d’ophtalmologie pour un examen du fond de l’œil. Après avoir payé 10.000 FCFA pour la consultation, je patiente près de quatre heures pour enfin être reçu par le médecin. Il était accueillant et m’a posé plusieurs questions, nous avons discuté pendant qu’il m’examinait. Quand il eut fini, il m’interpréta mes résultats. Là aussi, rien de bien méchant. Il m’a fait une ordonnance de collyre et m’a encouragé à continuer de faire ces examens annuels comme j’en ai l’habitude. Sauf qu’au moment de partir, il m’interpella : « Il faut que vous fassiez un autre examen. Une rétinographie ! Qu’est-ce que c’est ? C’est une sorte de photo de votre fond de l’œil. » Il sorti d’un tiroir de son étagère un cliché de cet examen d’un autre patient pour me montrer ce à quoi cela ressemblait. Puis, me dit que ce patient à des dégâts dans l’œil gauche et que c’était sérieux s’il n’avait pas un bon suivi. J’avais l’impression qu’il me faisait culpabiliser si je ne faisais pas cet examen. Je ne vous cache pas que j’étais en colère. J’ai demandé au docteur si j’avais un quelconque problème aux yeux ce à quoi il m’a répondu que non. C’est juste pour vous permettre de garder un cliché de votre fond de l’œil pour les prochaines consultations. Combien coûte cet examen ? Il me répond 30.000 FCFA, prenez un rendez-vous à la réception et revenez la semaine prochaine, le mercredi pour les examens…

Ce fut une autre phase de montagnes russes d’incompréhension ! Mais heureusement, il y a encore des médecins avec un cœur et une part d’humanité en eux, ceux qui ont le sens de la déontologie et l’amour de leur métier, ceux qui mettent la priorité de leurs patients bien avant le gain financier.

Je veux bien dépenser de l’argent pour ma santé mais pas chez un médecin froid, qui multiplie les fiches d’examens farfelues juste pour que je dépense plus d’argent dans sa clinique. Le pire c’est qu’ils sont généralement bien côtés, réputés être de bons médecins dans leurs domaines mais pour moi, cela est complément relatif. 

Mais comment imaginer traiter un paludisme à plus de 100.000 FCFA dans un pays où la majorité de la population vit sous le seuil de la pauvreté et où le SMIG est de 60.000 FCFA ? Comprenez-vous pourquoi des gens meurent terrer chez eux parce que n’ayant pas de faramineuses sommes d’argent pour soigner un palu qui fait partie des plus grandes causes de décès au Tchad ? 

Ce qui m’amène à creuser d’avantage la question sur le fonctionnement des cliniques au Tchad dans un autre billet… En attendant, dites-moi dans le commentaire les mésaventures dont vous avez été victimes ou témoins.

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Auteur·e

lafenetreetoilee

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