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L'Institut Français, ministère de la culture au Tchad ?

Depuis des décennies, le ministère de la Culture au Tchad semble être une institution en déclin, incapable de soutenir et de promouvoir efficacement le riche patrimoine culturel de la nation. Cette défaillance chronique a conduit à une situation où des entités étrangères, comme l’Institut français, se substituent de facto au ministère, offrant une plateforme essentielle pour les artistes locaux. Cette dynamique soulève des questions cruciales sur l’avenir de la culture tchadienne.

Le ministère de la Culture au Tchad s’apparente davantage à un ministère de consolation, un portefeuille sans grands enjeux que l’on fait passer d’un individu à un autre pour d’éventuels services rendus au régime en place. Ce ministère ressemble à une coquille vide, manquant de financement et de ressources indispensables pour soutenir les institutions culturelles, les artistes et les initiatives locales. Le tout, avec des fonctionnaires se tournant les pouces au quotidien en attendant leur salaire en fin de mois.

La plus grosse part du budget alloué à la culture couvre les salaires du personnel, ne laissant rien pour le fonctionnement et les politiques de développement propres au ministère. Cela met les musées, bibliothèques, centres d’art et autres institutions culturelles dans un état de précarité.

Absence de politique et de vision à long terme

Un des problèmes majeurs du ministère est l’absence de politiques culturelles cohérentes et d’une vision à long terme. Un ministère de la Culture efficace doit avoir une stratégie claire pour préserver, promouvoir et développer la culture nationale. Au Tchad, cette absence de direction se traduit par un manque de leadership et une mauvaise gestion des projets culturels. Il n’y a ni planification ni suivi. Tout est fait de manière ad hoc. La continuité administrative est inexistante, face à des fonctionnaires qui jouent à l’autruche pour préserver leurs acquis personnels.

Les problèmes de bureaucratie, de corruption et de mauvaise communication entre les différentes entités culturelles aggravent encore la situation. Les fonds qui devraient être utilisés pour soutenir les artistes et les institutions culturelles sont souvent détournés ou mal gérés, finançant certains déplacements du ministre et de son staff pour des festivals et voyages farfelus sans aucun intérêt pratique pour la culture tchadienne. Il est absurde, selon moi, qu’un ministre de la Culture du Tchad assiste à un festival de cinéma quelque part en Afrique alors que le pays ne dispose d’aucune infrastructure cinématographique. L’urgence serait de développer des stratégies pour ouvrir au moins une salle de cinéma afin de soutenir l’industrie créative tchadienne. Cette mauvaise gestion se répercute sur la qualité et la quantité des programmes culturels disponibles pour le public.

Dégradation du patrimoine culturel

La négligence du ministère dans la préservation du patrimoine matériel et immatériel est alarmante. Des sites historiques et des objets d’art précieux se dégradent faute de soins appropriés. « Nous perdons chaque jour une partie de notre histoire et de notre identité », déplore un conservateur de musée. Cette défaillance met en péril non seulement la culture tchadienne, mais aussi son potentiel touristique.

Achta Djibrine Sy, ancienne ministre de la culture, avait soulevé un problème crucial en mars 2022 lors de sa passation de service. « Le Tchad a le privilège d’avoir deux sites comme patrimoines mondiaux de l’humanité : le massif de l’Ennedi et les lacs Ounianga » observait-elle. Dans la convention qui lie le Tchad à l’UNESCO, il est prévu la production d’un rapport de suivi de ces patrimoines. Malheureusement, se désole-t-elle, le délai a été « largement » dépassé et le pays a été « sermonné ». La menace de retrait de ces deux sites du patrimoine mondial de l’UNESCO était brandie. « Comprenez ici notre douleur d’être humiliés. De voir notre pays être humilié. Parce qu’il est incapable de produire un rapport de suivi. On ne produit pas un rapport de suivi dans un bureau. »

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Manque de soutien aux artistes

Les artistes tchadiens se trouvent dans une situation particulièrement difficile. Sans le soutien financier, logistique ou promotionnel du ministère, ils peinent à se faire connaître et à vivre de leur art. Pourtant, ils ont besoin d’infrastructures, d’ateliers, de résidences et de financements pour pouvoir créer et partager leur travail. Et plus important encore une loi portant création d’un fonds d’appui à la création artistique marquant une implication réelle des autorités étatiques à soutenir ce secteur.

Ce manque de soutien se traduit par une précarité économique et des conditions de travail difficiles pour les artistes.

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L’Institut Français : un substitut nécessaire

Face à l’inaction du ministère de la Culture, l’Institut français au Tchad a pris le relais (je dirais même qu’il l’a toujours eu) en offrant une plateforme d’expression et de production de spectacles pour les artistes, écrivains et musiciens locaux, essayant ainsi de combler le vide laissé par le ministère. Cette institution organise des expositions, des concerts avec sa scène qui est devenue mythique au fil des années (la scène de la validation) des ateliers qui permettent aux artistes de présenter leurs œuvres au public et de bénéficier de formations et de mentorat.

L’Institut français fournit également des bourses, des résidences et des équipements essentiels au développement des artistes grâce à sa politique de soutien à la mobilité via le service des affaires culturelles de l’ambassade de France. Sans l’Institut, beaucoup d’artistes tchadiens seraient sans grands repères pour se développer. Le soutien de cette institution confère aux artistes une certaine légitimité et crédibilité, les aidant à se positionner sur le plan local et international.

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Quelles perspectives pour quelles implications ?

La situation actuelle du ministère de la Culture au Tchad pose de sérieux défis pour l’avenir de la culture nationale. Une réforme profonde, avec une augmentation significative des financements et une gestion plus transparente et efficace, est nécessaire pour revitaliser le secteur culturel. En l’absence de telles mesures, le Tchad risque de perdre une partie précieuse de son identité et de son patrimoine.

Cependant, le dynamisme de l’Institut français et d’autres initiatives privées montre qu’il existe une volonté et un potentiel pour revitaliser la culture tchadienne. Nous devons travailler ensemble pour créer un écosystème où la culture peut s’épanouir. La route est longue, mais il est essentiel de commencer dès maintenant pour assurer un avenir culturel florissant au Tchad.

Hey, bonne fête de la musique à vous !

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lafenetreetoilee

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