Quartier Haoussa, quartier Borno, quartier sénégalais… Certains quartiers des villes tchadiennes portent les noms des communautés et d’ethnies des personnes qui y habitent ou qui y ont habité. Le communautarisme est une conception qui soutient que « l’individu n’existe pas indépendamment de ses appartenances, qu’elles soient culturelles, ethniques, religieuses ou sociales ». Il peut trouver son explication dans les mouvements migratoires et la nécessité presque instinctive pour l’humain de vivre à proximité des personnes avec lesquelles il partage les mêmes cultures et valeurs. Surtout lorsqu’il se retrouve sur un territoire étranger. Toutefois, quand il est mal ‘’géré’’, le communautarisme peut être source de tensions. Retour dans ce billet sur la culture du communautarisme et son envers du décor vis-à-vis du ‘’vivre ensemble’’ au Tchad.
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Vivre en communauté, une réalité depuis la genèse du monde
L’Homme a toujours vécu en communauté, formant sa famille, son clan, son village, son royaume… Organisés en meute, et dirigés par un chef, les humains ont développé la nécessité de vivre dans un cocon qui les protège et les défend de certaines choses. D’où le contrat social cher à Jean Jacques Rousseau.
L’Homme, cet animal pensant, à pendant des millénaires été convaincu qu’il a besoin de l’autre pour vivre et se sentir vivant. D’autant plus que lors des conflits et guerres qui ont animé ce monde, les humains se sont retrouvés en blocs au nom de leur village, communauté, patrie… pour défendre leurs intérêts. Ou pas.
Origines du communautarisme au Tchad
La migration y est pour beaucoup dans le communautarisme au Tchad. Les causes en sont pluridimensionnelles et complexes. L’utilité de migrer pour les besoins de commerces, d’élevages à la recherche de beaux pâturages, d’agriculture à la conquête des terres fertiles ou pour des raisons politiques, psychologiques, institutionnelles, d’aventures tout simplement a poussé les gens à s’installer à proximité des gens avec lesquels ils ont quelque chose en commun : une langue, une région, une culture…
Au Tchad, lorsqu’un fonctionnaire est affecté dans une autre circonscription géographique, il a tendance à se renseigner sur la présence éventuelle de ses « parents », afin d’élire domicile à côté d’eux. Cette migration lorsqu’elle s’inscrit dans le temps, finit par créer une communauté à l’intérieur d’un ensemble de groupe de personnes. Paraissent ainsi des quartiers par communauté même dans les grandes métropoles du monde à l’instar de Chinatown par exemple (quartier chinois) dans les villes de Toronto au Canada et Boston, New York aux Etats Unis…
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Les quartiers communautaires de quelques villes tchadiennes
Dans la ville de Kélo, j’ai découvert les quartiers Haoussa et Borno qui portent les noms des communautés ethniques qui y habitent majoritairement. Un autre quartier m’aura marqué dans cette ville c’est le quartier Etoile. Ce nom est attribué par rapport à l’aspect en forme d’étoile de la finition des toitures des cases en pailles. Il était habité majoritairement des peuples de la région du grand Mayo Kébbi (Toupouri, Moundang, Massa, Moussey…) La ville d’Abéché nous aura également gratifié de quelques beaux exemples à l’instar des quartiers Zéribé Haoussa, Amiriyé (constitué presque uniquement d’arabes), Bendjedid (en majorité habité par les zakawa), Djatiniyé (le quartier de la famille royale) …
Le vivre-ensemble, l’unité nationale… et les risques du communautarisme au Tchad
Il faut rappeler que le communautarisme est une pratique qui a la peau dure en dépit des efforts fournis pour que les gens arrivent à une interpénétration qui affaiblirait les différences sur lesquels ils se basent pour se diviser tout en gardant au besoin leur identité et surtout les valeurs qui les grandissent.
Dans plusieurs situations, des groupes sont tombés dans le repli communautaire c’est-à-dire que les membres d’une communauté (ethnique, religieuse, géographique, etc.) se replient sur eux-mêmes, vivent entre eux, s’isolent au lieu de s’intégrer au sein du groupe plus large auquel ils appartiennent. Le repli communautaire peut ainsi être une grande source de tensions entre les gens même s’il se veut protecteur et discret de ses adeptes.
Dans cette situation, les gens deviennent méfiants les uns envers les autres, interdisant leurs enfants de s’éloigner de la communauté, de jouer avec d’autres enfants, s’accusant de toutes les tares sociétales (sorcellerie, manque de propreté, consommation abusive d’alcool, vol) …
Les années passent, les villes s’agrandissent et les gens finissent par se rendre compte que même dans le petit cercle communautaire, il y a des tensions. Et qu’ils ne peuvent pas se protéger indéfiniment et surtout pas pour tout et n’importe quoi. C’est là que les quartiers plus cosmopolites finissent par l’emporter, se positionnant comme de vrais modèles d’intégration. Heureusement ! Et désormais dans des quartiers de N’Djaména comme Moursal, Ndjari, Farcha, Ridina et bien d’autres, vous trouverez les tchadiens de tous les bords qui se côtoient comme un seul peuple faisant s’amenuiser les détails de leurs différences communautaires.
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