L’assistance était silencieuse. C’était le moment de vérité ! L’oncle paternel du futur époux a sorti de sa malle une liasse de billets de banque qu’il déposa sur la table. ‘’Huit-cent cinquante mille francs CFA’’ dit-il d’un ton assuré. L’équipe d’en face (constituée des oncles de la future épouse) se murmurait des choses. Le plus agité des oncles revient à la charge avec un : ‘’Non ce n’est pas assez !’’
A partir de ce moment, les deux équipes entamèrent le jeu de ‘’qui a la plus grosse paire de couilles’’. De fil en aiguille, les enchères montèrent jusqu’à 1.700.000 FCFA au nom de la beauté de la fille, de son teint clair, de sa lignée de grands chasseurs d’écureuils, et bien évidemment de son diplôme de maitrise en droit… Quelle ironie !
Elle recevait arrogamment tous ces applaudissements et ces youyous d’une rare insolence. Elle, femme intellectuelle et émancipée ‘’vendue’’ aux yeux de tous pour la charmante somme de 1.700.000 FCFA dans une ambiance empuantie d’orgueil et d’outrecuidance.
Parler en termes de million pour la dot d’une fille, impressionner l’assistance en étalant le faste de la cérémonie… c’est devenu la tendance chez moi depuis quelques années ! L’amour désormais se marchande et se marie non pas celui qui aime, mais à celui qui a suffisamment d’argent. !
D’ailleurs nos plus hautes autorités nous ont gratifiés de quelques bons exemples :
- On se souvient tous de cette histoire en 2011 où le frère de la première dame aurait déboursé la faramineuse somme de 60.000.000 FCFA pour doter une femme ;
- En janvier 2012, le président Déby épousait la soudanaise Amani Musa Hillal pour une incivile somme estimée à 10 milliards de FCFA ;
- En 2016, le président Déby récidivait. Il se serait marié à une fille d’Amdjarass pour l’insolente somme de quatre milliards de FCFA
Avouez qu’en termes d’exemples, nous sommes plutôt bien servis !
Ces dernières semaines, on a pu voir circuler sur la toile tchadienne une vidéo sur laquelle une bande de jeunes filles complètements hystériques ne juraient que par le mariage. Elles exprimaient leurs souhaits d’épouser un homme avec : une voiture à moteur V8, une maison en étage, des tablettes de chocolat, des dents bien blanches… Et chaque souhait bien entendu était suivi d’un mélodieux Amine pour que Dieu Tout Puissant puisse l’exhaussé !
Ah, c’est à se demander mais où est passé le bon vieil AMOUR ? Surement dans le cœur de ces personnes qui ne peuvent pas débourser des millions pour doter une fille.
Il y a également une autre tendance mais qui n’arrive qu’aux plus veinards. La future épouse, si elle travaille, finance la totalité ou la moitié de sa propre dot. Bien entendu c’est la famille du futur époux qui la présente comme si le présent venait des parents du garçon.
Mais chère dot, qui es-tu pour nous compliquer autant la vie ?
La dot
Vu la pratique dans nos sociétés, l’on pourrait définir la dot comme un ensemble de biens offerts par un prétendant à la famille de sa future épouse.
La remise de la dot est un événement important dans l’union du futur couple. Dans la pratique, la famille du futur époux manifeste l’intention de son fils d’épouser une fille auprès de ses parents avec des présents tant en nature qu’en espèces.
Au Tchad, les cérémonies de remise de dot ont la même philosophie tendant à unir deux personnes dans le mariage. Cependant, avec l’évolution de nos sociétés, la pratique a changé. Et l’on ne trouve nulle part de minimum ou de maximum requis pour la dot. Il y a quelques années, dans le Bahr El Gazal, pour préserver l’aspect symbolique de la dot, des chefs traditionnels ont décidé de limiter son apport en argent à la somme de 200.000 FCFA. Cette décision hélas ne trouve pas toujours d’adhérents.
On assiste également à une sorte de contre dot qui consiste pour la famille de la future mariée à offrir au couple des cadeaux tels : des ustensiles de cuisines, des meubles, des nattes… pour leur permettre de s’installer dans leur foyer.
Dot exorbitante et violence conjugale
Bien que ce ne soit pas systématique, on peut établir un lien évident entre une dot exorbitante et les violences conjugales. Ces violences commencent souvent verbalement et débouchent sur des atteintes physiques pouvant conduire à la mort. A partir de ce moment, la femme devient comme une propriété de son époux qui la traite comme il veut au nom de son argent !
Les habitants de la région du Mayo Kebbi sont réputés pour leur dot particulièrement exigeante qui s’élève à une moyenne de neuf têtes de bœufs en plus d’autres présents offerts à la mère et au père de la future épouse. Dans une région où de nombreuses familles vivent en dessous du seuil de la pauvre, y épouser une femme selon les règles de la tradition, relève du sacrifice d’une vie ! Et certains hommes ayant plusieurs filles les voient comme de véritables lingots d’or.
Avant, les hommes jugeaient les filles de manières empiriques sur leurs comportements. Comme son sens de l’accueil, sa capacité à travailler (pour compenser la dot par des travaux champêtres une fois chez son mari), sa vertu (virginité)…
Aujourd’hui, on n’est plus aux temps des dinosaures pour que le mariage soit conditionné par la virginité de la fille. Elle devrait juste tenir (ou pas) jusqu’au mariage sans faire de bébé. Unique condition pour permettre aux oncles de mieux la vendre.
Ne vous y trompez pas ! En dépit de mon avis sur la question, j’aime le concept de la dot !
Pour moi, l’union entre deux cœurs qui s’aiment est sacrée et le symbole de la dot ne devrait souffrir d’aucune contrainte, comme l’amour, il devrait venir du cœur, d’une volonté personnelle de donner, de respecter la tradition de la future épouse, d’offrir parce qu’on le désir. Ce n’est aucunement le lieu de dénuder son dédain mais plutôt sa déférence envers sa belle-famille, sa modestie, ses intentions de sceller une union teintée de liberté et d’amour.
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