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Les Tchadiens et leurs remarquables coupes de cheveux afro

Beaucoup d’hommes tchadiens laissent pousser leurs cheveux crépus à une certaine hauteur, le plus souvent pendant l’adolescence, mais pas que ! Et ce, pour différentes raisons, généralement très personnelles. Rien d’extraordinaire, me diriez-vous ! Mais je tiens à préciser que nous avons quand-même une façon particulière de nous coiffer qui nous confère une identité à part entière. Généralement, une grosse touffe afro naturelle sans traitements aux produits chimiques particuliers et pas dégradée (sinon très légèrement) sur le côté. 

Une déclinaison de cette coupe fait également fureur auprès de beaucoup des jeunes tchadiens, c’est celle des cheveux entortillés, bouclés. Pour cela, il suffit d’éviter après les avoir lavé de peigner vos cheveux afro naturels, qui ont atteint une certaine hauteur pendant plusieurs semaines ou mois, et vous aurez le résultat comme sur la photo ci-dessous.

Say Baa sur une scène

Petit cours d’histoire de la culture des cheveux afro

Pour mieux comprendre l’histoire de la culture des cheveux afros, il convient d’éclaircir certains points. D’abord, l’objet de ce billet n’est pas de parler de la chevelure des femmes tchadiennes qui est déjà particulièrement belle, grâce à un savoir-faire et l’utilisation de produits naturels de premier choix, mais celles des hommes. Ensuite, il faut rappeler que l’appellation « afro » revêt une connotation esclavagiste car dérivé du groupe de mot « Afro-descendant », désignant les esclaves et leurs descendants déportés d’Afrique. Ce qui implique de faire une piqure de rappel d’ordre anthropologique et sociologique. 

La coupe de cheveux afro a commencé à faire polémique pendant la période coloniale, et surtout celle esclavagiste. Elle était alors perçue comme sale et choquante… Vers 1920, Marcus Garvey, militant noir pour les droits humains, a encouragé son public à se réapproprier son esthétique naturelle, notamment avec le slogan « Don’t remove the kinks from you hair, remove them from your mind » (qu’on peut traduire par « n’enlevez pas les nœuds de vos cheveux, enlevez-les de votre esprit »). Depuis, la (re)valorisation des cheveux afro a pris de l’ampleur, jusqu’à vers 1960, avec des pratiques visant à mettre en valeur les cheveux crépus et afro via les mouvements « natural », « Black is beautiful »… Afin d’exprimer son appartenance à une culture noire et de la porter avec fierté. Comme les militants du mouvement « Black Panther » ou encore ceux de la « Conscience noire » en Afrique du Sud.

Ensuite, des personnalités publiques à l’instar de : Wole Soyinka, Michael Jackson, Hissein Habré, Barack Obama, Goukouni Weddeye, Malcom X, James Brown… Nous ont gratifié à un moment de leur existence de boules afros portées à la perfection.

Ma coupe afro actuelle date d’il y a trois ans

Quand porter des cheveux afro au Tchad revêt un sens hautement culturel et identitaire 

Comprenons que dans certaines tribus africaines, les coiffures renvoient/renvoyaient à un statut social, à la situation conjugale (le cas de certaines tribus peules où les jeunes hommes encore célibataires ne se coupent pas les cheveux, les coiffant de différentes manières), à un rang religieux… Nous pouvons également servir ce raisonnement pour le cas du Tchad.

De nos jours, les gens ont du mal a trouvé un raisonnement valable au port des cheveux longs par les hommes, trouvant l’argument du style et/ou de la mode très léger. Du coup, la coupe afro est des fois assimilée au fait d’être un délinquant, conférant un look voyou. Je me souviens que pour me convaincre de couper mes cheveux, ma maman me disait que cela provoquait des maux de têtes ! J’ai toujours trouvé qu’il manquait de logique à ce qu’elle avançait, vu qu’elle n’avait JAMAIS coupé ses cheveux. Lol !

Cette culture des cheveux afro, assez singulière et qui perdure depuis des siècles, a fait et continue de faire beaucoup d’adeptes. Une occasion de rencontrer quelques partisans de ce style pour recueillir leurs avis, impressions, et quelques anecdotes croustillantes. Quand je leur demande depuis quand ils ont adopté la coupe afro, pourquoi et comptent-ils la garder longtemps ? Voici ce qu’ils répondent :

Six ans avec une coupe afro…

Cela fait six ans aujourd’hui que je ne me suis pas coupé les cheveux. Et je les adore ! Je ne suis pas prêt de les couper. A Douala au Cameroun, où je vais régulièrement, les gens me disent toujours que ce sont les fous qui portent autant de cheveux. Mais pour tout vous dire, c’est une question de choix que de porter ou pas des cheveux longs.

Abdelkerim Safi arborant une grosse boule afro

Ma coupe afro, mon charme…

Je porte ces cheveux dans un cadre purement esthétique. Je crois que les cheveux contribuent à mon charme et notre séparation n’est pas pour demain. Ensemble on a encore du chemin à parcourir (rire). La dernière fois que je me suis complètement coupé les cheveux, c’était en 2018 suite à une coupe ratée, grosse erreur de la part du coiffeur. Étant donné que la coiffure afro (comme la mienne) n’est pas mal vu par mon entourage, je vais la garder, même étant vieux, et je crois que c’est la calvitie qui peut-être nous séparera.

Torbo Souleymane

Chez vous, les hommes ne coupent pas leurs cheveux ? Cette question, je ne me souviens plus du nombre de fois qu’on me l’a posé lors de mes voyages. A ce qu’il parait, à cause de cette coupe, on reconnait les Tchadiens au premier regard. Mais il faut rappeler que même au Tchad, tout le monde n’est pas adepte de ce style. Et entre les antipodes, il y a des gens qui préfèrent varier entre une coupe plus  »conventionnelle » et celle afro.

Malgré les questionnements, l’admiration et l’incompréhension qu’elle suscite, je sais que la coupe afro a de beaux jours devant elle. Suivez mon regard…

Crédit Photo : Israël Maténé

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Auteur·e

lafenetreetoilee

Commentaires

PATALET Pascal
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Vraiment c'est intéressant ce billet .

lafenetreetoilee
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Merci beaucoup pour le retour !

Addalil Abakar
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Un tchadien avec des cheveux c'est une histoire d'amour?

lafenetreetoilee
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La pratique le prouve en effet !!!