Crédit: Say Baa

Tchad : le slam, un rempart pour lutter contre les VBG ?

Samedi 26 juin, le hall de la bibliothèque nationale à l’air moins gai, non pas parce que ce grand bâtiment n’est pas beau, au contraire, mais plutôt parce que les grands portraits d’écrivains tchadiens qui y trônent semblaient effacés par celui décrivant les violences basées sur le genre, des femmes battues, injuriées, blessées, ensanglantées et même décédées.

Exposition photos sur les VBG dans le hall de la bibliothèque nationale. Crédit Photo : Say Baa

Dans une des nombreuses salles de la bibliothèque nationale sont assises environ 150 âmes, constituées majoritairement de jeunes dans un silence de cathédrale. Face à elles, des jeunes chanteuses et slameuses déchaînées face au micro décriant, dénonçant avec la plus grande énergie les problèmes finalement quotidiens dont elles et les femmes en général sont victimes.

Les VBG au Tchad, un mal plus encré qu’il en a l’air

Face au micro, ou devrais-je dire face à leurs peines, des femmes qui comme déchirées depuis toujours et qui continuaient de sourire parce que pour la société, c’était cool. Pour le peu que l’on soit attentif, chaque mot, chaque respiration, chaque hésitation dans la déclamation des textes racontaient beaucoup plus que ce que les oreilles pouvaient supporter entendre. Des jeunes femmes en miettes !

La chanteuse Bouchra Noora sur la scène. Crédit Photo : Say Baa

La plupart de ces artistes sont à peine sorties de l’enfance mais les histoires qu’elles racontent dans leurs textes ont le pouvoir de vous donner froid au dos. C’est alors qu’on se souvient que ces jeunes femmes étaient des élèves, qu’elles ont déjà reçu des visites d’oncles ou de cousins tordus dans leurs têtes, qu’elles ont très vite compris que mérite à la fac est très approximatif, que les premières expériences de travail ne sont pas toujours comme ce qu’elles imaginaient, qu’être des femmes et vivre dans cette société où rien ni personne ne peut leur garantir leurs droits ni la protection de ceux-ci est une réalité, que cette société est injuste et surtout, qu’elles n’y peuvent rien. Grandir dans la peur que ce mal est réel, que l’on peut y remédier mais qu’en fait, il n’y a personne pour oser lever le petit doigt et qu’il faudrait prier qu’après la voisine violée, demain ne soit pas leurs tours…

Alice, une révélation de ce spectacle. Crédit Photo : Say Baa

Ce jour-là, c’est finalement l’histoire qui semblait se réécrire à l’encre de l’espoir. En prélude de ce spectacle, une marche avait été organisée le 21 juin par un consortium d’associations féminines pour dénoncer les violations subies par les femmes tchadiennes. Une première du genre !

Elles ont débattu dans leurs chants et poèmes différentes thématiques dont les violences physiques, les inégalités salariales, les viols, les violences morales et conjugales, le harcèlement, le féminicide…

La slameuse Virginie sur la scène. Crédit Photo : Say Baa

Une idée féministe du RECAF avec son partenaire l’UNICEF

Les activités de l’UNICEF vis-à-vis des problèmes de genre ne sont plus à démontrer. Au Tchad, à travers plusieurs programmes dont U-Report, les jeunes et enfants sont impliqués pour déterminer et proposer des pistes de solutions face aux problèmes qui les concernent, en plus de recevoir des formations précises dans plusieurs domaines. 

Les membres de l’association RECAF eux, sont très présents sur la scène artistique du Tchad avec à leur actif plusieurs méga-événements estivaux. C’est donc tout naturel qu’ils ont été charmés par la présence très revendicative et féministe du slam et du slam féminin tchadien. Et il semblait logique que ce spectacle soit porté et animé par les slameuses, ce qui en soit est le deuxième du genre depuis celui de mars 2019 à la maison du quartier de Chagoua, qui avait fait salle comble.

Au-delà d’avoir des poètes slameuses engagées, il y a eu dans l’aventure quelques slameurs et deux chanteuses à la voix suaves, berçant de pures émotions les mots qui sonnaient détresses et pleurs de leurs consœurs.

Les femmes qui ont rendu ce spectacle vivant, des instrumentistes aux slameuses en passant par les chanteuses. Crédit Photo : Say Baa

Pour ce beau résultat visuel et émotionnel, une résidence de création artistique d’environ deux mois 

Pendant deux mois, ensembles, les artistes ont pensé à trouver une direction artistique à ce projet plein de sens. Les uns et les autres ont dû écrire, réécrire, changer d’approches, trouver de nouveaux paradigmes, afin de proposer de manière sincère ce que les femmes tchadiennes vivent au quotidien, ces laisser pour compte pendant un show de deux heures. 

Pour la première fois, pour beaucoup de personnes dont moi, il nous a été donné de regarder avec admiration une femme joué le balafon avec maîtrise et une autre qui domptait le tambour avec beaucoup de délicatesse. Une expression rythmique très parlante qui semblait appeler à une même cause.

Les instrumentistes vedettes du spectacle, une balafoniste (la seule connue à N’Djaména) et une percussionniste. Crédit Photo : Say Baa

En gros, ce spectacle fut une quête d’un monde  »parfait » dans lequel les femmes ne se sentiraient pas marginaliser, minimiser sans respect de leurs droits en tant qu’êtres humains. Simplement !

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Auteur·e

lafenetreetoilee

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