Depuis huit mois, le Tchad lutte contre la maladie du Coronavirus qui continue de mettre à mal la planète toute entière. Des moyens colossaux ont été débloqués pour la cause. Toutefois, de lugubres histoires continuent d’alimenter la gestion de cette crise entre détournements et ruptures abusives de contrats. Retour sur une question brûlante : des médecins tchadiens se sont-ils fait escroqués ?
Le 19 mars 2020, lorsque le Tchad enregistrait officiellement son premier cas de contamination au coronavirus, la tension auprès de la population était palpable. Après les superstitions toutes aussi ridicules les unes que les autres, le Tchadien avait fini par comprendre que ni sa couleur de peau, ni sa position géographique, ni son soleil ardent et moins encore ses féticheurs pouvaient le sauver, à moins de respecter scrupuleusement les mesures barrières.
Comparé à d’autres pays, le Tchad semble bien contenir le virus
En huit mois de lutte acharnée avec un système de santé lui-même mis sous protocole de transfusion massive – grâce aux concours des banques, partenaires, ONG et divers pays – on peut dire que le Tchad a eu un gros coup de bol et semble ‘’éviter’’ le pire.
- Il a été créé un Comité de veille et de sécurité sanitaire, pour appuyer le Ministère de la santé afin de mieux gérer toutes les affaires en rapport à la pandémie du Covid-19 auprès des institutions étatiques concernées ;
- De faramineuses sommes d’argent ont été déboursées pour contenir et endiguer l’épidémie. Un décret portant le numéro 0374 du 24 mars 2020 portait création à titre exceptionnel d’un compte d’affectation spéciale intitulé ‘’Fonds Spécial de lutte contre le coronavirus’’. Le Président du Tchad annonçait alors avoir déboursé 15 milliards de francs CFA pour faire face à la pandémie ;
- Vers la mi-mars, le ministère de la santé lance une initiative (numéro vert 1313) soutenue par l’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des postes) un ‘’Call Center’’ pour informer, sensibiliser et éduquer la population tchadienne sur la maladie à Coronavirus ;
- Les forces de l’ordre ont été déployées dans certaines régions du Tchad afin de faire respecter le couvre-feu instauré par les hautes autorités et également pour veiller au respect du port du cache-nez rendu obligatoire…
Etudiants et stagiaires en médecine hautement exposés
Au tout début de la pandémie, les étudiants à partir de la 3e année de médecine qui étaient dans différents hôpitaux pour les stages académiques ont payé un lourd tribut dans ce qui est désormais devenu un terrain de maccabées pour le bonheur des vautours.
Plusieurs dizaine de ces stagiaires et étudiants ont été contaminés par la maladie à Coronavirus, alimentant à leur tour la chaine de contamination. La raison serait un manque de qualification pour la gestion d’une pandémie de cette envergure. On comprend donc pourquoi une note ministérielle a été prise pour suspendre les stages des étudiants de la 3e à la 6e année.
Toutefois, le 14 avril 2020, le chef de l’Etat, dans une allocution à la nation, annonçait le recrutement de 1638 agents de santé dont les dossiers étaient en instance d’instruction à la fonction publique.
Des médecins et étudiants en dernières années de médecine recrutés pour deux mois
Face à l’évolution rapide de la pandémie et surtout à l’urgence qui se faisait sentir, dans un pays où les médecins ne courent pas les rues, le Comité de veille et de sécurité sanitaire a dû revoir sa stratégie. Cette fois sans prendre de gants, à coups de mensonges éhontés, de violation de contrat…
Des médecins et étudiants en instance de soutenance ont été recrutés et affectés sur différents sites (hôtels, hôpitaux, aéroport…) pour les besoins de la cause. Un des étudiants nous a confié qu’après le premier mois (avril 2020) de leur recrutement, il leur a été présenté des excuses au lieu de leur salaire, et de poursuivre que selon le Comité de veille et de sécurité sanitaire, c’était une erreur imputable à la trésorerie mais que tout leur sera réglé.
Des contrats de bénévolat
Mais le même tableau s’était reproduit le mois de mai. Et là, au détriment du contrat verbal préalablement passé avec le personnel enrôlé pour la lutte contre la pandémie du Covid-19, le Comité de veille annonce que c’était du bénévolat et qu’à l’heure actuelle, il n’y a que par le bon vouloir du président Déby qu’ils pourraient être payés pour leur travail.
Après avoir passé deux mois à travailler gratuitement, une nouvelle stratégie a été adoptée par le comité. Cette fois-ci, il a été établi un contrat de bénévolat entre le ministère de la santé et la faculté de médecine de N’Djaména, obligeant les étudiants, à partir de la 6e année de travailler pour la lutte contre la maladie à Coronavirus.
Que dit l’ordre des médecins ?
Le comité de veille sanitaire s’en sort à bon compte : l’Ordre des médecins tchadiens est resté silencieux pour des bonnes raisons, nous confie un étudiant en instance de soutenance. Premièrement, la plus part de personnes engagées dans ce contrat étaient soit des étudiants, soit des indépendants. Aussi, l’Ordre des médecins n’avait pas été impliqué dès le début du processus.
Dissolution du Comité de veille et de sécurité sanitaire
Le vendredi 15 mai 2020, par un décret, le Président Idriss Déby Itno annonçait la dissolution de la Cellule de veille et de sécurité sanitaire et mettait en place un nouveau Comité de Gestion de Crise Sanitaire (CGCS). Cette fois, le CGCS est placé sous son contrôle direct !
Même si les raisons de ce changement ne sont pas clairement édictées, il est évident qu’il n’y a qu’un problème de gestion de la coquette somme de 15 milliards qui pousserait le Président à superviser lui-même le nouveau comité de gestion de crise sanitaire.
Il est important de rappeler qu’à ce jour, la situation épidémiologique au Tchad depuis le 19 mars 2020 se présente comme suit :
- 1211 cas repartis dans 17 provinces ;
- 1070 guéris ;
- 56 malades sous traitement ;
- 85 décès.
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