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Photographie : des ‘’yeux’’ pour capturer et raconter le Tchad

Nous ne sommes plus à cette époque où, au Tchad, les gens se rendaient dans un studio de photos lugubre à la déco souvent ostentatoire tenu par des nigérians (incontestables génies de ce métier à une certaine époque). Ils immortalisaient un moment précis et ensuite s’engageait tout un processus : il fallait attendre que les images latentes contenues sur la pellicule soient révélées après différents bains de chimie… Bref, je n’ai pas l’intention de vous saouler avec le charabia technique du métier !

Depuis, les choses ont évolué. A l’occasion de la journée mondiale de la photographie (célébrée pour la première fois au Tchad ce 19 août), je vous emmène à la découverte de ce métier au Tchad, de son évolution, des vocations qu’il (a) créées, de ses adeptes, de ces belles histoires que la photographie permet, de sa résilience…

La journée mondiale commémorant la photographie le 19 août vient à point nommer cette année pour témoigner de l’évolution du métier. Toute la journée, une exposition de photos se tient au musée national tchadien et présente une vingtaine de photographes qui ont cherché à immortaliser le moment présent… L’exposition est libre d’accès au grand public.

Crédit Photo : Dainyo Photographie

Le numérique pour simplifier les choses…

On se souvient tous de l’arrivée des premiers appareils photos numérique au Tchad. C’était ce qui se faisait de mieux sur le marché. On avait cette possibilité nouvelle et incroyable de se voir en photo sur un écran avant de tenir une carte en main. L’image était visible avant même que la photo s’imprime et ça, c’était totalement nouveau. Ces appareils ont révolutionné l’univers de la photographie qui a énormément évolué en quelques années.

Les téléphones dotés de caméras auront aussi très largement contribué à la démocratisation de la photographie, changeant notre rapport à ce métier, à cette magie… Aujourd’hui, on assiste à cette facilité de toutes et tous à pouvoir immortaliser un moment en un seul clic. Les téléphones nous auront permis au passage de découvrir un nouveau vocabulaire, dont le fameux « selfie » dont tout le monde raffole.

Photographie et vocations au Tchad

La photographie est un métier passionnant qui allie patience, savoir-faire, sensibilité, opiniâtreté, curiosité et professionnalisme. Dans les villes tchadiennes, beaucoup de jeunes en ont fait un métier. C’est assez rare mais des femmes se sont également accaparées des ‘’focus’’. Certaines immortalisent des moments de vie, avec des prises de qualité, pour raconter le Tchad et ses enfants dans un élan de patriotisme incontesté !

Le métier de photographe a fait son apparition avec des airs de boîtes à souvenir, c’est-à-dire des lieux spécifiquement conçus pour fabriquer des souvenirs, avec des tarifs qui ont beaucoup évolué dans le temps. Ensuite, des studios mobiles ont vu le jour. L’objectif était le même : les photographes sont des traits d’union dans le temps, ils créent les plus belles réminiscences possibles dans des moments de joies (baptêmes, mariages, remises de diplômes), mais aussi de tristesse (obsèques…).

Crédit Photo : Daiyoo Photographie

Photographie et spécialité au Tchad

Comme beaucoup de métiers, la photographie a ses spécialités. En général, les photographes amateurs connaissent mieux le métier et acquièrent de l’expérience au fil du temps, ils finissent par se spécialiser (nature, mode, histoire…).

Or, on remarque que le photographe tchadien échappe à la règle. Ici, on reste dans l’idée qu’il peut shooter tout ce qui passe devant son objectif ! Cela se justifie sans doute par la passion, quand on est passionné de photo, on peut tout photographier ! Mais une autre explication possible, et sans doute plus juste, c’est le fait qu’il n’y ait pas d’école spécialisée dans ce domaine. Les photographes apprennent par eux-mêmes, personne ne les forment ou les aident pour approfondir un domaine spécifique et ainsi se perfectionner. Les photographes tchadiens gardent donc une attitude plus généraliste en termes de shooting, par habitude.

Pendant longtemps, les photos qui mettaient en valeur (ou pas) le Tchad étaient des prises de photographes étrangers. Mais ce moment est révolu ! Aujourd’hui, ils/elles sont des tchadien(ne)s et proposent des clichés extraordinaires qui témoignent de l’appropriation passionnée de cet art, en voici quelques exemples : Edith Ngaba Photographie, NoTime Photographie, Dainyoo Photographie, Achraf Pictures, Fresh Pictures, Gueipeur Fotograph, Digari Photographie, The Shooter, Djérabé Ndingar, Les studios PC, Chad Photography

Crédit Photo : Say Baa

Pour commémorer la journée mondiale de la photographie 2021 (organisée pour sa toute première édition au Tchad par Chad Photography et Wake Up Movies), La Fenêtre Étoilée est allée à la rencontre de Salomon Djekorgee Dainyoo. Salomon est un photographe indépendant et autodidacte qu’on a pris l’habitude de rencontrer au détour des cérémonies, de manifestations ou encore de spectacles dans la ville de N’Djaména.

Pour terminer ce billet, je vous propose un court échange avec lui, Salomon Djekorgee Dainyoo dévoile son univers et sa vision de la photographie tchadienne :

La FEE : Quels sont les freins au développement de la photographie au Tchad ?

Salomon : Les gens ne donnent pas assez d’importance à la photographie. Ils pensent que ce n’est même pas un métier. Être photographe dans ce pays, c’est chaque jour s’exposer aux risques d’emprisonnement, c’est être considéré comme le dernier de la société, c’est travailler sans être payé ou alors sous-payé, c’est se former tout seul, sans espoir de gagner en fonction de l’énergie dépensée, c’est être non budgétisé dans la préparation des cérémonies…

La FEE : Est-il indispensable pour les photographes tchadiens de se spécialiser ?

Salomon : Absolument ! c’est la seule possibilité d’aller vers une production de qualité.

La FEE : Existe-t-il une base de données spécialisées de photos du Tchad sur internet ?

Salomon : Non, il n’y en a aucune à ma connaissance. Sauf des pages individuelles, ci et là sur les réseaux sociaux.

La FEE : Les photographes tchadiens sont-ils organisés en collectif ou association ?

Salomon : Non !

La FEE : Quelle vision as-tu de la photographie au Tchad ?

Salomon : Je désire pousser par les moyens du bord la photographie tchadienne à l’international.

La FEE : Une école de formation en photographie au Tchad. Une bonne idée ?

Salomon : Une très bonne idée !

La FEE : C’est quoi une belle photo selon toi ?

Salomon : Une belle photo, c’est celle qui sort tout droit de l’imagination de l’artiste photographe.

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lafenetreetoilee

Commentaires

Bouchra
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♥️✅

lafenetreetoilee
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Merci beaucoup !

Mahmoud Sabir
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Au début de lecture, je me suis plongé dans le passé où aller prendre une photo dans un studio de la place , est chose prestigieuse. Un article édifiant sur qui on retrouve les fondements de l’univers photographique tchadien. Et il faut noter que le témoignage de Salomon vient à porter une valeur ajoutée à cela.
Merci Saybi

lafenetreetoilee
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En effet, la photographie tchadienne a bien évolué depuis, et son appropriation s'est faite de la plus belle des manières c'est-à-dire en la sortant des quatre murs des studios. Le témoignage de Salomon vient appuyer le fait que cet art a besoin d'avantage d'être encadré et valorisé.