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Le tronçon N’Djaména - Kélo : la route de l’enfer

Pour certaines personnes, voyager s’apparente souvent à une belle expérience, à un moment de découverte, à un loisir. Mais au Tchad, l’état du réseau routier est tel qu’effectuer un voyage à l’intérieur du pays est un véritable calvaire. Aujourd’hui, nous effectuerons ensemble un voyage de 360 Kilomètres… Attachez bien vos ceintures !

Entre détournements de fonds publics et corruption, entre violation des droits humains et exécutions sommaires, entre détonements de mitrailleuses et enfants mourants du paludisme,  j’espère que vous avez déjà entendu cette formule dopée à la folie des grandeurs : « le Tchad, vitrine de l’Afrique ! » Cette phrase résonne comme un chant nouveau sur une contrée qui veut de toutes ses forces renaître de ses cendres, après tant d’années de mauvaise gestion publique : le Tchad veut devenir une grande destination touristique.

Le Tchad aurait pu être une belle destination touristique…

Je confesse, le Tchad est un pays extrêmement riche ! Riche de ses cultures, riche de ses massifs, riche de son soleil et de son sable fin à perte de vue, riche de ses cuisines, riche de son bétail, riche de ses activités agricoles, riche de l’histoire de son peuple… Autant de réalités qui peuvent faire de ce pays une destination touristique pour qui veut découvrir le Sahel dans un seul pays. Mais là n’est pas le principal sujet de ce billet.

Coucher du soleil à la sortie sud de Guelendeng. Crédit Photo : Say Baa

Les routes au Tchad

Depuis son indépendance, le Tchad, contrairement à ses pairs de l’Afrique centrale, est resté à la traîne au niveau du développement de son réseau routier. Cela se ressent à partir du moment où l’on quitte la capitale N’Djaména pour n’importe quelle autre destination à l’intérieur du pays.

Pour une superficie de 1.284.000 Km2, le pays compte environ 10.000 kilomètres de routes bitumées. Ces routes vont de N’Djaména à Abéché, de N’Djaména à Kiyabé en passant par Guelendeng, Bongor, Kélo, Moundou, Doba et Sarh (les grandes villes du Tchad). Ces routes appelées « nationales » n’ont rien des routes nationales, si non rien de toutes les routes !

Voyage sur la route de l'enfer, entre N’Djaména et Kélo.
Route dégradée sur une centaine de kilomètre. Crédit Photo : Say Baa

Le nord du pays traversé par le Sahara reste une zone de tous les cauchemars pour un voyage par voie terrestre. Pour cause, les dunes de sable à perte de vue et les ouadis couronnés par un manque de routes bitumées ne favorisent guère la connexion entre les villes et villages.

Le tronçon de l’enfer : N’Djaména – Kélo

Ce tronçon de 360 kilomètres n’est pas l’unique route dans un très mauvais état, et les cas d’exemples ne manquent pas dans ce domaine, à la plus grande déception des pauvres usagers. Pour vous mettre au parfum de ce qui se passe sur cette route, retenez ceci :

  1. C’est l’unique route qui lie les deux villes 

Cette route dite nationale est l’unique qui dessert la capitale tchadienne et la ville de Kélo. Il en est de même pour toutes les autres grandes villes du Tchad.

2. Pour relier N’Djaména à la ville de Kélo par un bus commercial, il vous faudra 10 heures de route 

Je me demande souvent, comment en est-on arrivé là ? A passer 10 heures assis dans un bus pour relier deux villes séparées par 360 kilomètres.

Cela fait plus de 20 ans que j’effectue le trajet N’Djaména-Kélo plusieurs fois dans l’année et les choses vont de mal en pire. De 5 h en bus pour ce petit voyage, les enchères ont grimpées jusqu’à 10 heures en quelques années.

Voyage sur la route de l'enfer, entre N’Djaména et Kélo.
Les nids de poules rendant la route impraticable. Crédit Photo : Say Baa

Chaque jour, ce sont des centaines de véhicules de tailles confondues qui empruntent cette route qui dessert la capitale N’Djaména et les grandes villes situées au sud du pays.

Sur ce tronçon de route, les postes de péages routiers sont toujours aussi intraitables. A ce qu’il parait, l’argent collecté servirait à réhabiliter les routes. Mais quand on voit la réalité du terrain, on sait à peu près où passe tout cet argent. Dans les poches des individus !

Entre temps, la population continue de jouer avec sa vie sur ce tronçon de route tandis que les plus grandes autorités débarquent dans les petites villes en hélicoptères assourdissants et impitoyablement rapides.

Les évacuations sanitaires vers les hôpitaux de N’Djaména constituent également un véritable calvaire, car l’état de la route peut à lui seul précipiter le patient de l’autre côté du regard.

3. C’est une des routes où il y a le plus d’accidents au Tchad 

On ne compte plus les nids de poules sur cette route. Par moment, on est obligé de faire une sortie de piste sur plusieurs kilomètres et par endroits, le goudron disparait littéralement comme si quelqu’un venait de rouler son tapis avant de l’emporter. Les gros porteurs exagérément chargés y circulent 24h/24, accentuant à leur tour la dégradation de la route.

Tous ces éléments réunis constituent une véritable poudrière. Chaque année, des accidents se comptent par dizaine sous le silence insolent de nos autorités. Entre temps, nous ne pouvons ni optimiser le temps pour des meilleurs rendements dans nos activités, ni profiter des potentialités de nos villes en terme de tourisme, le tout dans une posture vulnérable avec pour seul expression : Dieu est grand et qu’Il veille sur nous !

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Auteur·e

lafenetreetoilee

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