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Interview : à la rencontre de Achta Moustapha Mouta Abbo, l’unique femme maquettiste BTP du Tchad

J’ai pris l’habitude de voir cette jeune femme discrète et timide dans le laboratoire de fabrication du hub de technologie WenakLabs. Elle passe des heures à désigner, passant d’un logiciel à un autre, à découper, à coller, à imprimer en 3D différentes figures… Son métier semble passionnant mais par-dessus tout méticuleux. Combien de fois a-t-elle dû changer de pièces, de matériaux, d’approche pour avoir un travail impeccable, une maquette à hauteur de l’énergie qu’elle y consacre ?

Projet de soutenance d’Achta Moustapha Mouta Abbo. Algérie 2018

Aujourd’hui, elle accepte de se prêter au jeu des question-réponses pour nous parler de son métier jusqu’ici peu connu au Tchad.

Bonjour Achta ! Peux-tu décrire ton parcours à nos lectrices et lecteurs ?

Après le BEPC, j’ai étudié au Lycée Technique Commercial et j’ai obtenu mon baccalauréat G2 avec mention au lycée HEC Tchad. Ce qui m’a permis d’être lauréate d’une bourse d’étude en Algérie. Suite à la bourse j’ai découvert le domaine de maquettiste en BTP. En 2018 j’ai obtenu mon diplôme avec succès et depuis, j’exerce ce métier.

Le métier de maquettiste consiste en quoi exactement ?

Les maquettistes en architecture réalisent, à l’échelle et selon des plans, des modèles réduits, d’ouvrages en trois dimensions principalement pour le bâtiment, le génie civil et l’aménagement du territoire. D’autres secteurs comme l’industrie de machines, les transports, les musées et les théâtres peuvent aussi faire appel à leurs services. Les maquettistes améliorent la compréhension d’un projet architectural (bâtiment, ouvrages d’art, exposition, etc.) et permettent de mieux estimer les volumes, les espaces et la situation d’une construction dans un quartier, ou une région… L’objectif est de donner au client une juste représentation de l’ouvrage.

Maquette d’un bâtiment réalisée par Achta Moustapha Mouta Abbo

Quelles sont les opportunités et les débouchées dans le métier de maquettiste ?

Sous d’autres cieux, les opportunités sont nombreuses. Après la fin de nos études, nous sommes compétents pour le travail car nous commençons la pratique dès la première année. Et nous sommes très sollicités par les cabinets d’architecture et/ou les entreprises de constructions… Toutefois, au Tchad, les opportunités ne sont pas nombreuses, le terrain est encore vierge et malheureusement la plupart des cabinets d’architectures font appel aux professionnels de l’extérieur pour concevoir les maquettes.

Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton métier ?

Ce que j’aime dans ce métier, c’est l’indépendance et la liberté que cela me procure, je peux travailler à tout moment comme je veux et où je veux. Au-delà, c’est un métier très stimulant, il vous pousse à réfléchir, à imaginer, à vous surpasser… Pour cela, il faut être patiente et créative et tout faire pour que la maquette soit identique au projet. A chaque réalisation d’une maquette, j’ai une nouvelle idée à sauvegarder en mémoire pour un autre projet. C’est comme un travail en chaîne.

Impression 3D des objets de décoration/Crédit Photo : Say Baa

A ton avis, quel est l’avenir du métier de maquettiste au Tchad ?

Au Tchad, côté construction, nous sommes vraiment en retard par apport à d’autres pays. J’espère que cela se développera à l’avenir. Et j’aimerai relever des grands défis, réaliser des maquettes des grands projets pour mon pays.

Quels sont tes projets d’avenir ?

Mon projet d’avenir, si Dieu voulant, serait de créer mon entreprise de réalisation des maquettes. De cette façon, mes compatriotes n’auront pas besoin d’aller à l’extérieur pour exporter des maquettes et/ou pour se former au métier. Ce sera également une porte pour les jeunes filles de se former à ce domaine, considéré à tort comme étant celui des hommes. Et j’espère que cela pourrait inciter les autorités en charge de l’éducation de créer une filière de maquettiste dans nos écoles.

Quel est le regard que les gens ont de toi étant la seule femme maquettiste au Tchad ?

Le métier étant méconnu au Tchad, beaucoup de personnes le confondent avec le domaine du multimédia, du marketing. Je dois souvent expliquer à quoi cela renvoi. D’autres personnes me disent : « Oh mais pourquoi ce métier ?« . C’est un métier d’architecte, et certain.e.s sont étonnées par mon travail parce que suis une femme. Mais heureusement, beaucoup de gens m’encouragent et me soutiennent et cela me galvanise, à ne pas baisser les bras et à tout faire pour arriver au bout de mes rêves.

Achta finalisant les détails d’une maquette

As-tu le soutien de ta famille dans l’exercice de ton métier ? 

Toute ma famille me soutient ! Pour la petite histoire, j’avais 2 grands projets à réaliser avec beaucoup de détails et un délai très court à respecter. Les réalisations étaient totalement manuelles, sans aucune machine c’était un grand défi et heureusement j’avais ma maman à mes côtés. Elle m’a aidé en réalisant quelques détails des maquettes, ce qui m’a permis de vite avancer. Je suis vraiment reconnaissante car elle a toujours été là pour moi durant tout mon parcours académique et elle continue toujours de l’être.

 Un dernier mot à l’endroit des jeunes filles qui hésitent à se lancer dans des  »métiers dits d’hommes » et à celles qui aimeraient devenir maquettistes ?

Tout est question de volonté, il faut avoir le courage et surtout ne pas se dire que tel ou tel autre métier est réservé aux hommes. Nous les femmes, nous pouvont tout faire ! Ce métier est plein de beauté, de challenges et de créativités et les jeunes filles devraient s’y plaire, il ne faut pas avoir peur du jugement des gens.

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Auteur·e

lafenetreetoilee

Commentaires

DJEDOUBOUM DJEKORNODE
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Dans tout début d'une carrière, il y a des contraintes,difficultés mais il faut s'armer de patience et courage pour atteindre ton but et objectif fixé. Rien n'est facile et impossible dans la vie. Tout est motivation, travail, persévérance et détermination mon âme soeur. Que Dieu te soutienne!